mockup flyer

[SFAP] Soins Palliatifs et soins de support

Extrait de la lettre d’information de la SFAP n°19 (hiver 2005).

Editorial : le débat nécessaire

Ce nouveau numéro de la Lettre de la SFAP est consacré à un sujet qui agite le monde des Soins Palliatifs : le concept de soins de support. Le 21 octobre 2004, la SFAP avait organisé une journée de débats sur ce thème. A partir des remarques et des questions exprimées, la Lettre prolonge et approfondit la réflexion en donnant la parole à des personnalités engagées dans la pratique des soins (soins palliatifs et cancérologie) comme à des personnes qui posent sur ce sujet un regard plus social ou sociologique.

Après avoir analysé les origines du concept de soins de support (article de Lucy Hacpille), nous tenterons d’en cerner les enjeux, tant au plan des valeurs qu’au plan organisationnel (articles de Michèle Salamagne, de Michel Castra et de Claire Compagnon). Au niveau institutionnel, suite à l’annonce du Plan Cancer par le Président de la République, ce « nouveau » concept a donné lieu à un groupe de travail pluridisciplinaire, sous l’égide la DHOS (Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins) au ministère de la Santé. Dans ses contributions, la SFAP a défendu des positions de principe (article de Godefroy Hirsch et Marie-Claude Daydé) largement prises en compte dans le rapport de ce groupe de travail et l’article de la circulaire sur l’organisation des soins en cancérologie qu’il a inspiré (pages centrales).

La Lettre de la SFAP se devait de refléter les réflexions passionnées que suscitent la notion de soins de support. Certains parmi nous sont enthousiastes, d’autres sont beaucoup plus réservés. Pour témoigner de ces positions diverses, nous avons demandé à deux acteurs bien connus du mouvement des soins palliatifs de se prêter à un exercice de questions/réponses, sans langue de bois. Philippe Colombat et Gilbert Desfosses exposent leurs points de vue, échangent et confrontent leurs opinions divergentes, en respectant les bases de l’éthique de discussion, chère à Habermas. Patrick Thominet offre lui un contrepoint mesuré à la vision enthousiaste de l’équipe de cancérologie de Nancy. Enfin, dans le débat qui va se poursuivre, Daniel d’Hérouville rappelle à la SFAP son rôle de vigilance et d’observatoire des pratiques sur le terrain, tant sur le plan des soins que de la coordination et des moyens mis en place.

Régis Aubry et Bernard Devalois
Respectivement président de la SFAP et rédacteur en chef de la Lettre de la SFAP


Du « supportive care » aux soins de support

Un concept venu de l’anglais

To support, c’est supporter, soutenir, appuyer quelqu’un, mais aussi corroborer une théorie, patronner, payer pour un proche, tolérer. Ce verbe se trouve utilisé dans le vocabulaire moderne dans les expressions supportive care, supportive teams, supportive groups qui désignent toutes les activités de réhabilitation autour d’un malade et de ses proches : réhabilitation physique ergothérapie, kinésithérapie, psychothérapies, art-thérapies, soutien émotionnel, éducatif et spirituel (existentiel)

Le terme « support » vient étymologiquement du latin supportare.

Il indique la notion d’appui, de soutien. Ce terme désigne donc toutes les possibilités d’aides médicales et paramédicales autour d’un patient et de son entourage et s’inscrit dans un objectif de réhabilitation.

Les soins de support (comme les soins palliatifs) ne concernent pas seulement le cancer mais s’étendent à toutes les pathologies chroniques et concernent touts les professionnels de santé (médicaux et paramédicaux).

Ils ne s’adressent pas seulement au patient mais aussi à son entourage familial et professionnel. Par ailleurs, les soins de support le plus souvent ne concernent pas ce que l’on fait mais bien plutôt comment on le fait. C’est notamment l’organisation de la prise en charge dans le but d’améliorer la qualité de vie d’un patient.

Des soins de support pour quelle santé ?

En sanskrit le terme arogya qui désigne la santé signifie à proprement parler l’absence de maladie. Les Grecs traduisent le terme « santé » par le mot soteria qui signifie le salut, ce qui sera maintenu dans la langue latine (salus). Aujourd’hui d’ailleurs, l’OMS définit la santé comme un bien-être total, physique, psychosocial et spirituel.

Une référence forte à la cancérologie

En France, c’est dans le contexte de la cancérologie que le terme de soins de support a fait son apparition. Selon les textes officiels, les Centres Anti-cancéreux ou Centres de Lutte contre le Cancer doivent s’intégrer dans un programme d’ensemble et de complémentarité par rapport à l’existant de prise en charge globale du cancer.

Ils doivent garantir au patient la continuité des soins grâce aux liens qu’ils tissent avec d’autres structures publiques et privées. Ils doivent développer leur coordination avec les programmes spécifiques de soins palliatifs.

Différentes études démontrent l’intérêt et l’efficacité d’une collaboration et d’une coordination adaptée à l’existant de chaque zone géographique. C’est en effet par le travail commun de l’ensemble des acteurs de santé que le patient peut rester le plus longtemps au domicile sans être hospitalisé, voire jusqu’au bout.

C’est cette collaboration qui permet d’améliorer sa qualité de vie, le soulagement de ses douleurs et un meilleur suivi des traitements spécifiques rendus ainsi plus efficaces.

Des ambiguïtés sémantiques

L’ambiguïté persistante entre soins palliatifs et soins de support tient à l’imprécision de leur usage. En effet le terme « soins de support » en France se réfère tantôt à l’objectif du soin, tantôt au stade d’évolution du malade, tantôt à l’organisation sanitaire.

Si l’on considère l’objectif de soins, les soins de support sont synonymes de soins palliatifs, permettant d’assurer des soins symptomatiques, des soins de confort.

Si l’on se réfère aux stades cliniques de l’évolution d’une maladie (cancéreuse ou non) auxquels s’adressent les soins, les soins de support concernent toutes les phases de l’évolution de la maladie grave à partir de son diagnostic.

Enfin, si on considère l’organisation sanitaire d’un pays, les soins de support apparaissent dans le contexte particulier des centres de lutte contre le cancer. Ces centres sont des structures spécifiques différentes de celle des hôpitaux et cliniques traditionnels puisqu’il s’agit uniquement d’une cancérologie générale alors que les autres établissements sont confrontés à une cancérologie d’organes.

Dès lors que cherchons-nous par ce changement de vocabulaire ?

Pour s’adapter aux besoins réels de la personne en situation palliative, le système de santé doit ainsi être souple et permettre au malade de continuer sa route au fil de l’évolution de sa maladie avec l’aide de structures spécifiques mais toutes complémentaires.

Avec les soins de support, s’agit-il seulement de remplacer un mot par un autre ? Cela effacera-t-il le problème de santé publique de la place des mourants dans notre société occidentale ? Quelles sont les interfaces entre les stades curatifs, palliatifs et terminaux ? A quelle définition ou paradigme de la « santé » nous référons-nous aujourd’hui : santé, salut, guérison … ? Avec quel système de santé pourrons- nous parvenir au mieux à nos objectifs de soins ?

Petit retour aux origines anglo-saxones

• Supportive care : médecine et pharmacologie, traitements symptomatiques ;
• Supportive care and attention : médecine et psychologie ou accompagnement ;
• Supporting housing : administration et grand public, programme de logements supervisés (appartements thérapeutiques) ;
• Supportive objectives : en éducation : supports éducatifs au sens d’éducation des patients, en sociologie : services de soutien.
• Supportive therapy : médecine et psychologie, traitements de soutien et psychothérapies de soutien.

Ces différents acceptations du mot « supportive » indiquent bien que les soins de support désignent un ensemble regroupant les traitements symptomatiques, les traitements de soutien, l’éducation des patients et de leur entourage, le soutien social, les psychothérapies de soutien et l’accompagnement spirituel au sens d’existentiel.

Lucie Hacpille
Médecin de soins palliatifs au CHU Rouen
Elle siège au bureau de l’EAPC (Association Européenne de Soins Palliatifs)


Partagez cette actualité

Publications similaires